L’installation est située au bord de la Bièvre, rivière qui traverse le campus de HEC. Des feuilles de Mylar (polytéréphtalate d’éthylène), de 1mètre de large et 3,5 mètres de long, sont fixées bout à bout le long d’un câble sur une longueur de 22 mètres pour former un rideau à l’endroit d’une percée dans le boisement qui borde la rive droite de la rivière. Geste artistique d’une grande simplicité, l’œuvre laisse libre cours à de multiples interprétations, le matériau étant très polyvalent. Film réfléchissant tout en étant transparent selon les lumières, il est d’une grande solidité et prend la forme d’un fluide avec le vent. Isolant électrique, il restitue la chaleur des rayons solaires en l’amplifiant.
Le résultat in situ: un rideau aux textures multiples jouant des variations de lumière et des mouvements du vent durant la journée. Cette surface verticale mouvante répond à la surface horizontale de l’eau. Par un effet de miroir, elle se fond dans le paysage comme un rideau invisible où la réalité est modifiée. Aller-retour entre la matière et ce qu’elle reflète. Simple donc, l’installation revêt les avantages d’une œuvre minimale offrant une multiplicité d’états selon des variations minimes. Pour atteindre ce minimalisme, il a fallu mettre en œuvre des résolutions techniques complexes tant par le choix du matériau que dans l’installation même du fait de la charge importante qu’imposent les 12 feuilles (le Mylar est lourd) et la nécessité d’une tension optimale pour une longueur assez importante. L’exigence de simplicité est corrélative à une exigence technique. Une donnée déterminante pour la réussite du projet réside dans l’ancrage de cette installation dans son contexte. L’art et le paysage se rencontrent là dans une approche esthétique et un savoir-faire amenant l’œuvre au-delà de l’installation. En effet, le contexte est important et l’on donne à voir l’œuvre autant que l’on donne à voir le site – le paysage où elle prend place. Encore une fois, selon des gestes simples tirés d’un mode de gestion jardinier, l’espace est radicalement modifié: le gyrobroyage dans une prairie humide d’une percée permet l’accès de la digue à l’œuvre et au-delà. Cette action réversible n’en demeure pas moins interventionniste : une ligne droite. Cette ligne droite fait ici écho à la ligne courbe de la rivière et affirme l’intervention dont le rideau de dais est le point d’orgue, l’avènement. Puis, la percée suit son cours avec la suite du parcours où l’on accède à des espaces jusqu’ici inaccessibles. La ligne s’épaissit et devient clairières au milieu de la prairie. Un bouquet de charmes, d’érables et de frênes dont la couronne a été relevée offre désormais l’opportunité d’une pause abritée avec une vue sur le château. L’installation est une œuvre et le dessin de l’espace autour fait œuvre. Le projet est une installation artistique ancrée dans un contexte. Le projet est l’intervention dans ce contexte.
Le projet est la suite.
Cette œuvre artistique se caractérise par le caractère éphémère de l’installation et la nature réversible de l’aménagement, mais aussi par la pérennité d’une gestion jardinière et une vision de paysagiste. Après l’intervention artistique, le site reste. En lien étroit avec les services des jardins de HEC qui ont apporté une aide matérielle précieuse, l’intervention de Liliana Motta et du Laboratoire du dehors offre l’opportunité d’une poursuite de la conception et de la gestion d’un remarquable parc sous-exploité. L’œuvre artistique comme élan premier d’un projet de paysage.
Texte : Alexis Feix, paysagiste, septembre 2015
DONNÉES
Commanditaire : Espace d’art contemporain HEC
Précision sur les matériaux et les dimensions : Des dais de Mylar (Polytéréphtalate d’éthylène) de 1m de large et 3,50 de long, sont fixés bout à bout le long d’un câble sur une longueur de 22 mètres
Equipe de réalisation : Laboratoire du dehors avec David Bellamy, Alexis Feix et Camille Frechou
Photographe : Liliana Motta
École des Hautes Études Commerciales (HEC) . 78351 Jouy-en-Josas