Un Jardin Laboratoire

Transformation d’une ancienne lainerie en manufacture culturelle, salles de spectacle et d’exposition, espaces de répétition, maison pour les artistes, café-restaurant, pépinière d’entreprises culturelles, espace botanique d’expérimentation et d’étude sur les toits terrasses. Ses toits-terrasses végétalisées et ses 244 mètres de façade sont classés à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques.

La Condition Publique, établissement public, propriété de la Chambre de commerce de Roubaix a était construite en 1902 . Elle a eu pour mission jusqu’en 1972 de contrôler et certifier la qualité des différentes matières textiles avant leur vente, essentiellement la laine, le coton et la soie. Les principaux contrôles effectués par le personnel de la Condition publique concernaient le poids des produits et leur hygrométries. Au Conditionnement la lumière était bannie et l’hygrométrie du bâtiment devait être constante, d’où ces toits plats recouverts au départ d’une simple couche de sable et de graviers. La poussière industrielle et urbaine s’est retrouvée piégée par les graviers et, avec elle, l’humidité et les graines. Quand nous sommes arrivés pour la première fois en 2013, une grand prairie recouvrait la totalité des terrasses. On a donc essayé d’imaginer comme cela se passe depuis plus d’un siècle, comment la poussière de la ville, quelques feuilles mortes, la pluie, le soleil, et les premières plantes vont pouvoir s’installer sur la toiture terrasse vide et sans vie de la Condition Publique. Cet évènement presque imperceptible va mettre en route un mécanisme naturel : une plante va mourir et par ce fait favoriser la vie. Plus d’un siècle plus tard, en allant sur la terrasse de la Condition Publique, on découvrira une prairie, un jardin que la nature a fait toute seule. En regardant ce jardin, on s’interrogera sur l’origine de cette vie, on aura envie de savoir : comment le complexe et mystérieux équilibre de la vie va-t-il créer une multitude d’individus divers à partir de si peu de matière ? Quelles sont ces plantes qui se sont installées ? Est-ce l’activité industrielle du lieu qui a permis le voyage de graines ? Ce lieu, dans la ville, abrité des va-et-vient de la rue, va nous servir de terrain d’observation. Le jardin est déjà là. L’intérêt de conserver la végétation sur la toiture terrasse de la Condition Publique paraît aujourd’hui évident. La terre de ce jardin est celle d’origine. C’est la «poussière de la ville», celle qui s’est accumulée sur la toiture terrasse de la Condition Publique depuis sa création. Elle s’est constituée petit à petit avec la poussière de la ville, des feuilles mortes, de la pluie et du soleil. Cette terre âgée de plus d’une centaine d’années représente la mémoire du lieu.

La végétation qui s’étendait sur toute la surface a dû être décapée et descendue de la terrasse, en 2003, pour que les
travaux d’étanchéité puissent être réalisés. La terrasse de la halle A, sera dédiée à l’observation, un jardin de près de 1300 mètres carrés où le visiteur peut, en se promenant, découvrir chaque plante. Inaccessible au public, la terrasse de 2800 mètres carrés de la halle B est transformée en un espace ouvert à la recherche pour l’université de Lille-I. La terre et les végétaux de la terrasse de la halle A ont été stockés dans environ 300 sacs d’un mètre cube chacun dans l’un des bâtiments de la Condition Publique, au rez-de-chaussée. Nous avons remonté ces sacs en 2004.
Pour faire les travaux d’étanchéité de la terrasse réservée à un futur jardin laboratoire, une équipe de plus d’une quarantaine de personnes a travaillé pendant une année à déplacer toute la végétation existante afin de la remettre en place après les travaux. Les travaux de ces terrasses ont été confiés à une association locale, La Ferme aux Loisirs, qui rassemble des animateurs sociaux, des universitaires et des personnes en cours de réinsertion sur un chantier-école. Pour que l’étanchéité du toit puisse être refaite, il fallait au préalable enlever toutes les plantes et les terres, une par une, motte par motte. La terrasse ne pouvait supporter le poids d’une machine.

Les Terrasses sont une partie importante de l’identité de la Condition Publique, elles sont l’exemple de l’inattendu, d’une vie qui se fait sans notre intervention et, malgré la banalité de chacune des espèces qui la compose, l’ensemble devient exceptionnel. Dans un objectif de sauvegarde et de conservation de notre patrimoine naturel, de valorisation auprès du public, les terrasses de la Condition Publique sont devenues un lieu d’intérêt scientifique et pédagogique. Concernant les métaux lourds, les analyses révèlent des teneurs élevées en zinc, plomb, cadmium et dans une moindre mesure en nickel et en cuivre, pour la terrasse A et des teneurs élevées en zinc, plomb et dans une moindre mesure en cadmium pour la terrasse B. Les plantes ont eu un rôle de phytostabilisant sur ces terres qu’on a pu conservé in situ.

DONNÉES

Commanditaire : A la demande de Emmanuel Baron et Pascale Debrock Commandé par : La SEM ville renouvelée, Jean Badaroux
Équipe mandataire : Patrick Bouchain, Nicole Concordet et Loïc Julienne architectes
Photographe : Liliana Motta

Les Terrasses de la Condition Publique
Quartier du Pile. 59100 Roubaix